Selon une étude publiée dans The Lancet, 650 000 morts en Irak.

Polémique sur le nombre de victimes irakiennes de la guerre

L’Humanité

13 octobre 2006

Une étude de scientifiques américains qui fait état de 650 000 morts provoque une tornade à moins d’un mois des élections aux États-Unis.

« Quand nous sommes arrivés ce matin, nous avons trouvé les corps. » Coup dur pour ce responsable d’Al-Chabiya, une télévision satellitaire privée qui devait émettre ses premiers programmes à la fin du ramadan. Hier matin, neuf de ses collègues ont été tués lors d’une attaque d’un groupe armé au siège de la chaîne dans un quartier du sud-est de Bagdad. Parmi eux, le principal présentateur et le directeur général, un chiite, chef d’un parti laïque peu connu. Dans la même - matinée, sur une place du centre de la capitale irakienne, une double explosion a tué cinq personnes. Dans les vingt-quatre heures qui ont précédé, quarante corps ont par ailleurs été retrouvés dans divers quartiers de Bagdad, portant souvent la trace de tortures.

Une horreur banale et quotidienne difficile à chiffrer. C’est ce qu’a tenté à grands fracas le journal médical britannique The Lancet, selon qui 650 000 Irakiens ont été tués depuis le début de l’invasion américaine en avril 2003, dont 601 000 violemment pour la plus grande partie à la suite de blessure par balle. Une estimation qui dépasse largement toutes celles fournies jusqu’à présent. Le ministère irakien de la Santé estime par exemple à 128 000 le nombre de victimes irakiennes de la guerre.

À moins d’un mois des élections de mi-mandat, et alors que les Américains placent la guerre en Irak comme leur préoccupation numéro un, ces révélations ont déclenché une véritable tempête politique aux États-Unis. George W. Bush a immédiatement réagi pour démentir l’information. « Je ne considère pas ce rapport comme crédible, le général Casey (commandant des forces multinationales en Irak - NDLR) et les responsables irakiens non plus », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse.

L’étude a été conduite par des médecins de l’université Johns-Hopkins et de l’école de médecine Al-Mustansiriya de Bagdad en collaboration avec le Massachusetts Institute of Technology (MIT) de Boston, suivant une méthode utilisée au Congo, au Kosovo et au Soudan. « Nous sommes, à 95 %, certains que nous avons la bonne estimation », a confirmé l’auteur de l’étude, le Dr Gilbert Burnhan, de l’université Johns-Hopkins à Baltimore, tout en précisant que l’enquête avait été menée en Irak par des professionnels de la santé auprès de 1 849 familles irakiennes de tout le pays, représentant au total 12 801 personnes et que 87 % des familles avaient pu fournir un certificat de décès.

Le taux de mortalité s’élève à 13,3 pour mille habitants par an depuis le début de la guerre, contre 5,5 pour mille auparavant. Une progression effrayante. Les auteurs rappellent dans leur étude que « le conflit irakien est l’un des plus meurtriers du XXIe siècle ».

Anne Roy