Le chef de l’armée britannique souhaite un retrait rapide d’Irak.

Le chef de l’armée britannique souhaite un retrait rapide d’Irak

LE MONDE

13/10/2006

Le chef de l’armée britannique a lancé une véritable bombe politique. Dans un entretien avec le quotidien Daily Mail (conservateur), paru vendredi 13 octobre, le général Richard Dannatt préconise un retrait rapide des troupes britanniques déployées en Irak, car leur présence dans ce pays "exacerbe" les problèmes que la Grande-Bretagne rencontre en matière de sécurité.

Le patron de l’armée souhaite que les quelque 7 000 soldats qui opèrent en Irak "se retirent bientôt". "Je ne dis pas, ajoute-t-il, que les difficultés que nous rencontrons dans le monde découlent de notre présence en Irak, mais il ne fait aucun doute que celle-ci les exacerbe".

Nommé à son poste en août, le général constate que les soldats britanniques, basés pour la plupart dans le sud de l’Irak, région majoritairement chiite, n’y sont plus les bienvenus : "Quel qu’ait été l’assentiment que nous avons rencontré au départ, il s’est transformé en simple tolérance, puis largement en intolérance. C’est un fait." L’armée britannique a perdu 119 soldats depuis l’invasion de l’Irak en mars 2003.

"Nous sommes dans un pays musulman, poursuit le chef d’état-major. Et l’opinion des musulmans vis-à-vis des étrangers dans leur pays est très claire. En tant qu’étranger, vous êtes les bienvenus si vous êtes invités, mais nous n’avons certainement pas été invités en Irak à l’époque. Nous avons enfoncé la porte."

CRITIQUE EN RÈGLE

Le général Dannatt constate l’échec de la stratégie politique de la coalition en Irak : "L’intention initiale était de mettre en place une démocratie libérale, pro-occidentale et bénéfique pour la région. L’histoire dira si c’était un espoir raisonnable ou naïf. Je ne crois pas que nous soyons en train de réaliser cela. Nous devrions réviser à la baisse notre ambition." Le chef de l’armée déplore aussi le manque de préparation de l’après-guerre.

Cette critique en règle de la stratégie britannique en Irak par l’homme censé la mettre en œuvre est un défi lancé à Tony Blair. En établissant une relation de cause à effet entre la présence de troupes étrangères en Irak et la flambée des violences islamistes, le chef d’état-major contredit directement l’analyse du premier ministre, cent fois répétée, selon laquelle le terrorisme a précédé la chute de Saddam Hussein et, qu’en outre, un départ précipité des soldats de la coalition ne ferait qu’aggraver la situation à la fois en Irak et en Occident.

Le porte-parole de M. Blair a rapidement réagi en rappelant que les troupes étaient en Irak "à la demande expresse du gouvernement irakien, démocratiquement élu, afin de le soutenir dans le cadre d’un mandat défini par une résolution de l’ONU". Les propos du général, qui a été convoqué vendredi par le ministre de la défense, Des Browne, exigent une clarification rapide.

Ou bien il rectifie le tir et rentre dans le rang. Ou bien il persiste et signe. Dans les deux cas, la légitimité de la présence britannique en Irak en sortira sérieusement ébranlée.

Jean-Pierre Langellier Article paru dans l’édition du 14.10.06