« Noyons ces prisonniers dans la Mer Morte « (un ministre israélien).

« Noyons ces prisonniers dans la Mer Morte « (un ministre israélien)

par Institute for Middle East Understanding

«  Il vaudrait mieux noyer ces prisonniers dans la mer morte si possible, puisque c’est le point le plus bas du monde. »

Avigdor Lieberman, Ministre des Transports israélien (1)

Israël pourrait-il libérer jusqu’à 600 prisonniers palestiniens en échange du soldat israélien capturé près de Gaza le 25 juin ? Les négociations sont en cours.

Pendant que cette histoire suit son cours, l’Institute for Middle East Understanding donne un briefing sur les prisonniers palestiniens. Réponses aux QFP [questions fréquemment posées] :

QFP sur les prisonniers palestiniens

IMEU, septembre 2006

1. Combien y a-t-il de prisonniers palestiniens ?

Au 8 août 2006, 9.273 prisonniers palestiniens sont dans les prisons ou les camps de détention israéliens (2). Parmi ces prisonniers, 351 sont des enfants de moins de 18 ans (3), 75 sont des femmes, et 42 ont plus de 50 ans. Dans ce nombre total de prisonniers, 433 Palestiniens, qui ont été emprisonnés avant la signature des Accords d’Oslo, restent en prison en dépit de la clause des Accords stipulant leur libération (4). Certains prisonniers sont membres élus du Conseil Législatif Palestinien.

2. Les prisonniers palestiniens n’ont-ils pas été condamnés pour des délits sérieux contre Israël ?

De fait, sur 9.273 prisonniers actuellement détenus par Israël, seulement 1.800 environ ont en réalité été jugés et condamnés pour un délit quelconque. Selon Amnesty International, ces procès s’éloignent souvent des critères internationaux pour des procès équitables (5).

Israël détient actuellement en camps de prisonniers environ 800 Palestiniens qui n’ont été accusés d’aucun crime, sous ce qui s’appelle la « détention administrative. » La détention administrative viole le droit international (6). L’ordre de détention administrative peut durer jusqu’à six mois, avec des Palestiniens détenus sans charge ou procès pendant cette période (7). Israël renouvelle systématiquement les ordres de détention et peut le faire sans limitation, détenant de ce fait indéfiniment des Palestiniens sans charge ou procès (8). Durant cette période, les détenus peuvent se voir refuser les conseils juridiques. Tandis que les détenus ne peuvent en appeler à leur détention, leurs avocats ne peuvent ni accéder aux preuves de l’accusation ni savoir le but de la détention ce qui rend la procédure d’appel pratiquement inutile.

3. La plupart des prisonniers palestiniens n’ont-ils pas du « sang sur les mains » ?

Non. La grande majorité de prisonniers palestiniens sont des prisonniers politiques qui ont été emprisonnés arbitrairement ou qui sont détenus sans raison légitime de sécurité, mais pour expression politique, résistance pacifique, ou simplement parce qu’ils sont palestiniens. Selon B’Tselem :

« La sécurité est interprétée d’une manière extrêmement large, le discours non-violent et l’activité politique étant considérés comme dangereux... C’est en contradiction flagrante avec le droit aux libertés, de parole et d’opinion, garantis par le droit international. Si ces mêmes normes étaient appliquées à l’intérieur d’Israël, la moitié du parti du Likoud serait en détention administrative » (9).

De plus, de ces Palestiniens actuellement détenus, l’écrasante majorité ne sont pas passés en jugement.

Beaucoup de Palestiniens sont arrêtés arbitrairement. Par exemple, de février à mars 2002, approximativement 8 500 Palestiniens furent arrêtés arbitrairement. Dans beaucoup de villes, tous les Palestiniens mâles âgés de 15 à 45 ans furent raflés puis détenus ou emprisonnés. Des Palestiniens eurent les yeux bandés, étroitement menottés avec des menottes en plastique, et forcés de s’accroupir, de s’asseoir ou de s’agenouiller pendant des périodes prolongées. Les arrestations en masse et les détentions de ce type ont été condamnées par Amnesty International en tant qu’infractions aux droits de l’homme.

4. Comment sont traités les enfants palestiniens dans les prisons israéliennes ?

La question des enfants détenus et prisonniers est peut-être l’exemple le plus frappant de la politique israélienne d’emprisonnement arbitraire. Approximativement 2 000 enfants palestiniens furent arrêtés et détenus de septembre 2000 jusqu’à fin juin 2003 (10). Des enfants aussi jeunes que 13 ans sont détenus dans les prisons israéliennes, et sont logés avec la population de prisonniers adultes. Les enfants âgés de 13 et 14 ans constituent approximativement dix pour cent de l’ensemble des enfants détenus. Presque tous les enfant détenus ont rapporté des formes de torture ou de mauvais traitements, qu’elles soient physiques (raclées ou placés dans des positions douloureuses) ou psychologique (abus, menaces ou intimidations) (11). Les enfants sont systématiquement maintenus en centres de détention dans des conditions inhumaines (12). Par exemple, dans quelques centres jusqu’à onze enfants furent entassés dans des cellules aussi petites que cinq mètres carrés. (13)

5. Comment les femmes palestiniennes sont-elles traitées dans les prisons israéliennes ?

La plupart des femmes palestiniennes prisonnières politiques étaient auparavant logées avec l’ensemble de la population des prisons israéliennes dans la prison de Neve Terze, où des toxicomanes, les prostituées, et d’autres prisonniers endurcis sont détenus. Après des grèves de la faim, la plupart furent transférées à la prison de Telmond. Toutefois, certaines, y compris plusieurs détenues administratives, restent incarcérés à Neve Terze.

Quelques femmes palestiniennes élèvent des enfants en très en bas âge en prison ; deux, Mervat Taha et Manal Ghanem, ont accouché pendant leur détention. Pour la plupart des autres, la visite des parents proches avec des enfants et d’autres membres de la famille est autorisée deux fois tous les six mois. Cependant, comme condition de visite, les femmes doivent obligatoirement se soumettre à des fouilles intégrales à nu. C’est une condition que la plupart ont rejeté.

Des gardiens de prison sont entrés dans les cellules de prisonnières palestiniennes, ont recherché et confisqué leurs effets personnels sans raison, battant les prisonnières durant l’intervention. Le démenti des services médicaux a été utilisé pour punir celles qui protestent des conditions de leur incarcération.

6. L’Israël soumet-il les prisonniers palestiniens à la torture, et d’autres formes de traitement cruel et dégradant ?

Oui. Des prisonniers palestiniens sont systématiquement torturés dans les prisons israéliennes. En 1999, une décision de la Haute Cour d’Israël mettant hors la loi quelques formes de mauvais traitements physiques des prisonniers palestiniens n’a pas mis fin aux abus physiques et psychologiques d’Israël sur les détenus palestiniens. Selon Amnesty International :

« Parmi les milliers de Palestiniens arrêtés après le 27 février 2002, quelques centaines ont été transférés à l’interrogatoire complet par le GSS [Agence de Sécurité d’Israël], dans des centres... Amnesty International a reçu des rapports selon lesquels certains des détenus interrogés par le GSS ont été soumis à des privations prolongées de sommeil, au shabeh (position douloureuse prolongée debout ou assise), à des raclées et a de violentes secousses » (14).

Le Public Commitee Against Torture en Israël et B’Tselem rapportent que les méthodes de torture incluent ce qui suit : gifles, coups de pied, menaces, abus verbaux et humiliation, flexion du corps dans des positions extrêmement douloureuses, serrage intentionnel des menottes, marche avec les pieds entravés, application de pressions sur différentes parties du corps, étouffement et autres formes de violences et d’humiliation (tirage des cheveux, crachement etc.), exposition à la chaleur et au froid extrêmes, et exposition continue à la lumière artificielle (15).

Les Palestiniens sont détenus dans des centres de détention et des prisons qui ne répondent pas aux normes minimums internationales, et ils sont systématiquement privés du droit de visite (16). Amnesty International signale ceci :

« Selon des rapports conséquents reçus par Amnesty International, les conditions des détenus à Ofer et à Ansar III/Ketziot sont mauvaises et peuvent équivaloir à de la cruauté, à du traitement inhumain ou dégradant ou à de la punition... Dans les deux camps, les détenus dorment sous des tentes ; à Ansar III/Ketziot les nuits sont particulièrement froides. Les conditions à Ofer sont dites surpeuplées, avec 25 à 30 détenus dormant sous une tente. Dans les deux camps les détenus dormaient au début sur des palnches de bois rugueuses... Des détenus disaient qu’il leur était donné des côtelettes de poulet congelées qu’ils devaient dégivrer au soleil ; un pot de yaourt, un ou deux concombres et deux morceaux de fruit pour 10 prisonniers » (17).

7. Pourquoi la libération des prisonniers palestiniens est-elle si importante ?

Aucun problème n’illustre plus le déni rigide d’Israël de liberté aux Palestiniens que celui des prisonniers politiques. Les Palestiniens sont soumis au taux d’incarcération le plus élevé du monde. Approximativement 20 pour cent de la population palestinienne dans les Territoires Palestiniens Occupés ont été arbitrairement détenus ou emprisonnés par Israël à un moment ou un autre (18).

L’emprisonnement et la détention israélienne des Palestiniens est une manifestation du manque de respect pour le droit international et la Quatrième Convention de Genève : La détention et l’emprisonnement administratif à l’intérieur d’Israël sont interdits par la Quatrième Convention de Genève (19). Le manquement d’Israël à la libération des prisonniers politiques palestiniens et l’arrestation arbitraire continue des civils palestiniens mène à une conclusion malheureuse : Cet Israël se voit lui-même comme au-dessus des lois et considère les Palestiniens comme inférieurs à lui.

Notes :

(1) Avigdor Lieberman en tant que ministre des transports d’Israël a offert de transporter les prisonniers politiques palestiniens sur la Mer Morte pour les noyer. Radio d’Israël, 7 juillet 2003.

(2) Source : Allocution publique du ministère aux Affaires des prisonnier, le 8 août 2006.

(3) Le plus célèbre de ces enfants prisonniers est Souad Ghazal, qui fut condamnée à l’âge de 15 ans à six ans et demi d’emprisonnement. Quand elle fut arrêtée la première fois, elle passa 17 jours en confinement solitaire et fut torturée en prison. Elle a maintenant 18 ans.

En 1999, Israël a rétabli l’Ordre Militaire N° 132 qui prévoit l’arrestation des enfants palestiniens âgés 12 à 14 ans. Le Club du prisonnier palestinien a noté que 50% de ceux arrêtés et détenus par Israël depuis septembre 2000 sont des enfants de moins de 18 ans. Voir : http://www.dci-pal.org/english/home.cfm

(4) Aux termes des Accords d’Oslo, Israël était obligé de libérer la grande majorité des prisonniers palestiniens arrêtés avant la signature des Accords. (Accords intérimaires, Annexe VII). Israël ne l’a pas fait. L’Accord de Charm El Cheikh de septembre 1999 prévoyait l’établissement qu’un comité commun chargé de recommander la libération de certains prisonniers. Bien que le comité eût recommandé la libération de ces 433 prisonniers, Israël refusa de le faire.

(5) Amnesty International, Israël et les Territoires Occupés (janvier à décembre 2002). Voir : http://www.amnesty.org

(6) La Convention internationale sur les droits civiques et politiques, dont Israël est signataire, stipule ceci : « Chacun a le droit à la liberté et à la sécurité de la personne. Personne ne sera soumis à l’arrestation ou à la détention arbitraire. Personne ne sera privé de sa liberté sauf pour telles raisons et conformément avec telle procédure établies par la loi » (Article 9 (1)). « Quiconque est arrêté sera informé au moment de l’arrestation des raisons de son arrestation et sera rapidement informé de toutes les charges contre lui » (Article 9 (2)).

(7) Les détentions administratives sont actuellement effectuées sur la base de l’Ordre Militaire N° 1229, de 1988. Cet Ordre autorise les commandants militaires en Cisjordanie à détenir un individu jusqu’à six mois s’ils ont « des motifs raisonnables pour présumer que la sécurité du secteur ou la sécurité de public exigent la détention. » Les commandants peuvent prolonger des détentions pendant des périodes supplémentaires successives de six mois chacune. L’Ordre ne définit pas une période cumulative maximum de détention administrative, et par conséquent, la détention peut être prolongée indéfiniment. Les termes « sécurité du secteur » et « sécurité publique » ne sont pas non plus définis. En conséquence, leur interprétation est laissée aux commandants militaires. Étant donné que ce sont des ordres militaires et non des ordres juridiques, ils sont exécutés sans obtenir l’approbation d’un juge.

(8) Khalid Jaradat fut maintenu en détention administrative pendant une durée de 12 ans, avec seulement une libération d’une semaine entre les ordres administratifs de détention. Les services de sécurité israéliens confirmèrent qu’il était détenu pour expression politique non-violente. Voir : http://www.btselem.org/index.asp

(9) Voir : www.btselem.org/english/publications/summaries/prisoners_of_peace.asp

(10) Defence for children International/Palestine Section, Press Release, Palestinian Child Arrest Figures Top 2,000 in 2nd Intifada - Torture Experienced by Most, 26 June 2003.

(11) Defence for children International/Palestine Section : Palestinian Children in the Judicial System http://www.dci-pal.org/statistics/indstats/legaljune2003.html

(12) Ibid.

(13) Defence for children International/Palestine Section, Press Release, Israeli Governement Fails to Release Child Detainees -- 330 Still in Custody, 7 June 2003.

(14) Amnesty International, Israël et les Territoires Occupés : Détention de masse en conditions cruelles, inhumaines et dégradantes, 14 (mai 2002). Le 9 septembre 1999, la Haute Cour israélienne a décidé que l’Agence de Sécurité d’Israël (autrefois connue sous le nom de GSS) ne pourrait plus utiliser quatre méthodes de torture (secouer violemment, attacher les prisonniers dans des positions douloureuses sur une petite chaise d’enfant, couvrir la tête du prisonnier avec un sac, et priver de sommeil). Cette décision fut largement rapportée comme une fin à la pratique en matière de torture d’Israël. En réalité, la portée de la décision était très limitée : Elle s’applique seulement à l’Agence de Sécurité d’Israël. La grande majorité de la torture est pratiquée par les soldats israéliens, la police et la police militaire des centres de détention (qui n’ont pas le statut de prisons) où ces pratiques continuent. Defence for children International/Palestine Section, A Generation Denied 28 (2001).

(15) Voir : http://www.stoptorture.org.il/eng/background.asp ?menu=3&submenu=2 et http://www.btselem.org

(16) Defence for children International/Palestine Section, Annual Report 21 (2001).

(17) Amnesty International, Ibid 14.

(18) Defence for children International/Palestine Section, A Generation Denied 163 (2001).

( 19) La quatrième convention de Genève stipule ceci :

« Les transferts de force individuels ou de masse, aussi bien que les déportations de personnes protégées depuis le territoire occupé vers le territoire de la Puissance d’Occupation ou de celui de n’importe quel autre pays, occupé ou pas, sont interdits, sans se soucier de leur motif. » (Article 49 (1)).

Source : Sabbah’s Blog , 22 août 2006

Original

Traduit de l’anglais par Pétrus Lombard, membre associé et révisé par Fausto Giudice, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est en Copyleft : elle peut être librement reproduite, à condition d’en respecter l’intégrité et d’en mentionner sources et auteurs.