Proche-Orient : l’honneur perdu de l’Europe. Par Anne Blanchard.

Proche-Orient : l’honneur perdu de l’Europe

Anne Blanchard

Mai 2006

« On risque de voir dans les territoires palestiniens des personnes mourir de faim  », « et je pèse mes mots  » dit le responsable de Terre des Hommes en Palestine au journal Le Temps de Bruxelles (15/05/06).

« ... il y a un débat en Israël, (...) entre ceux qui considèrent qu’il faut aggraver encore la situation sociale des Palestiniens pour que ceux-ci n’aient aucun moyen de s’opposer à la politique israélienne dans les Territoires, et ceux, à l’inverse, (...) qui pensent qu’il y a un niveau de pauvreté déjà atteint qui, s’il est à nouveau aggravé, est lourd de dangers. » (Sylvain Cypel, « chat » du Monde sur les élections israéliennes)

Un blocus rigoureux notamment financier s’organise contre la Palestine, au prétexte d’amener à résipiscence Le Hamas, élu démocratiquement par les Palestiniens, aux motifs que ce mouvement ne renoncerait pas à l’intention de détruire l’Etat d’Israël et figurerait aussi sur la « liste des mouvements terroristes ».

Il s’agit donc de punir le peuple assez sévèrement pour lui faire regretter son choix. Les institutions européennes ont donc décidé de suspendre leur aide aux populations de Palestine, déjà systématiquement dépouillées par l’occupant de leurs terres et de leurs moyens d’existence et de travail, des ressources douanières qui leur sont dues, et tout autant de leurs ressources naturelles... ainsi que de toute liberté et de toute perspective d’avenir. Déjà la population est à la limite de la survie. Bruxelles prétend maintenant compenser ce dommage en faisant passer les secours par des voies détournées... écartant les ONG, et sans savoir lesquelles. Et en attendant ?

Quelles que soient les intentions du Hamas, réelles ou proclamées, ou les deux, on voit mal comment ses bombinettes, ses fusils, ses frondes ou même les kamikazes pourraient venir à bout de l’Etat d’Israël.

A quoi ont abouti les dirigeants palestiniens qui ont accepté la négociation ? Comment, avec quel empressement sont reçus ceux qui y sont disposés aujourd’hui ? Ignorés, floués, discrédités, et par les moyens les plus pervers réduits à l’impuissance, quel espoir ceux-là peuvent-ils donner à leur peuple Peuvent-ils apaiser son désespoir et sa juste colère ? Et depuis quand les « démocraties » de cette Europe, qui nomme conflit une occupation hors-la-loi et prend la victime pour le bourreau, refusent elles de parler aux résistants terroristes portés au gouvernement par leur peuple ? Sérieusement, que reste-t-il aux Palestiniens à négocier ? Leur survie, peut-être, SANS les conditions de la survie. Et pour cela, « tendre l’autre joue ».

Mais si on ne voit pas très bien comment le Hamas pourrait porter à Israël une atteinte vitale, il est facile d’imaginer les effets , sur un petit peuple isolé et pratiquement désarmé, d’une occupation interminable, imposée cruellement par une armée surpuissante et suréquipée, et s’élargissant sans cesse , au mépris de toute légalité : droits humains, droits de la guerre, résolutions de l’ONU ; et même engagements des accords conclus. Qu’attendre des effets des exécutions « ciblées » imparables, de la destruction systématique de l’économie, par spoliation, par enfermement, de l’humiliation permanente, et enfin de l’organisation d’un véritable siège avec le soutien de la plus grande puissance mondiale et de tous les lâches que compte la planète ! C’est qu’il faut enfin venir à bout de cette écharde agaçante. Trancher le « débat ».

L’Europe, L’Europe « de la démocratie et de la paix », qui ne s’est pas donné les moyens de freiner la main qui tient la machette - lui apporte aujourd’hui son soutien. Au nom de quelles « valeurs de civilisation » ? Pas même celles de l’intelligence, puisque nous attisons ainsi sciemment une révolte légitime et la haine engendrant ce terrorisme qui nous épouvante.

Les « valeurs européennes » restent à forger par les Européens. L’Europe doit revenir sur cette décision inique, sinon criminelle.