Monsieur, « Amenez-les ! ». Par Dahr Jamail.

Monsieur « Amenez-les ! »

Dahr Jamail

27 octobre 2005

Hier, alors qu’il s’adressait à un groupe de femmes de militaires à Washington, M. Bush a déclaré : « Cette guerre va demander plus de sacrifices, plus de temps et plus de détermination encore. »

Bien sûr, ce discours de consolation prononcé à la base aérienne locale, juste avant que tombe la nouvelle du 2 000e tué, n’avait rien de gratuit.

Je me demande combien de ces femmes de militaires se souviennent de ce que M. Bush avait dit 1 794 tués américains plus tôt, quand il avait fièrement annoncé « Amenez-les », le 2 juillet 2003 ?

Naturellement, hier, M. Bush s’est abstenu de parler d’apporter la liberté et de poser les fondations de la paix alors que les bombes continuent de tomber sur l’Irak. Mais il est quand même parvenu à prétendre qu’Abou Moussab al-Zarqawi était le chef de la résistance irakienne.

« Chaque perte d’une vie est déchirante », a-t-il déclaré aux femmes. Mais qu’en sait-il ? Un homme qui a déserté pendant la guerre du Vietnam et qui ne permettrait jamais à ses filles de servir en Irak ! Comment pourrait-il savoir ?

Ainsi donc, maintenant, nous poursuivons la marche de la mort vers les 3 000, avec l’annonce d’un autre soldat américain tué, amenant ainsi le tribut officiel à 2 001. Avec 159 000 soldats américains en Irak (vous vous souvenez qu’il y en avait 138 000, à certain moment ?), ce tribut ne fera que croître.

Pourtant, le nombre de morts américains est toujours insignifiant en comparaison avec le nombre d’Irakiens qui meurent, y compris les policiers et les militaires.

Aujourd’hui encore, deux policiers irakiens ont été tués à Ramadi lors de l’attaque de leur commissariat, alors que dans la « ville modèle » de Fallujah, trois autres policiers irakiens étaient tués également par une mine routière.

Aujourd’hui toujours, les quatre corps liés et bâillonnés de trois Irakiens en uniformes de l’armée et d’un contractuel travaillant pour une société américaine ont été retrouvés avec des impacts de balles dans la tête et la poitrine.

M. Bush utilise un de ses mots favoris, « détermination », malgré le fait qu’il y a deux jours, un des plus gros attentats suicides s’est produit à Bagdad, entre les hôtels Palestine et Sheraton. La bombe, transportée à l’intérieur d’un camion de béton, a été soigneusement introduite par un trou dans la barrière en béton d’enceinte, trou provoqué quelques minutes plus tôt à peine par une autre voiture piégée.

Alors que la plupart des principaux médias ont prétendu qu’il s’agissait d’un attentat contre des journalistes, ce qu’ils n’ont pas dit, c’est qu’un grand nombre de spécialistes de la sécurité (autrement dit, des mercenaires) utilisent ces hôtels et tout le monde sait à Bagdad que le penthouse du Sheraton est utilisé par les contractuels et les agents de la CIA. Cet endroit même est la cible d’attaques à la roquette depuis décembre 2003.

(...)

Tuant au moins 17 personnes, l’attentat adressa un signal très clair aux occupants de l’Irak : aucun endroit n’est sûr et même l’un des complexes hôteliers les plus étroitement surveillés de Bagdad est donc absolument vulnérable.

L’idée de la stabilité politique se mue plus que jamais en chimère, bien plus encore qu’avant le vote récent sur la constitution, rejetée par les dirigeants arabes sunnites qui, hier, ont qualifié toute la procédure de « frauduleuse ».

Faisant allusion aux événements devant se produire en décembre, le dirigeant sunnite Saleh Mutlaq a déclaré à des journalistes : « La violence n’est pas la seule solution, si la politique présente des possibilités nous permettant d’agir dans cette direction. Mais il y a très peu d’espoir que nous puissions obtenir quelques avancées par le biais des élections. »

Hussein al-Falluji, un autre politicien sunnite éminent, a affirmé que le référendum avait été manipulé par Washington, et d’ajouter : « Nous savons tous que référendum a été frauduleusement organisé par une commission électorale en aucun cas indépendante. Elle est contrôlée par l’occupant américain et elle devrait se dissoudre avant les élections de décembre. »

Lui et d’autres sunnites prônent vivement la mise en place d’une commission électorale réellement indépendante (le chef de l’action commission électorale irakienne a été désigné par les États-Unis) pour les élections de décembre. Al-Falluji a jouté : « La politique est directement liée à la sécurité sur le terrain. La situation ne peut désormais qu’empirer. Je viens de prier Dieu pour qu’il dévoile la vérité sur ce qui se passe en Irak. »

Combien de temps faudra-t-il encore attendre le retrait américain ? À cause de cette « administration » au pouvoir actuellement, on est assuré de trois années d’occupation de plus en Irak. Et, pour alors, 2 000 soldats américains morts en plus, ça n’a pas l’air de faire braucoup...