Irak : L’occupation impérialiste est indéfendable. Par Harpal Brar.

Irak : L’occupation impérialiste est indéfendable

Harpal Brar

28th September 2005

Lalkar

Traduit par J-M. Flémal pour www.stopusa.be

Chaque mois qui passe, au fur et à mesure que la résistance en Irak gagne en force, la situation de l’armée impérialiste d’occupation dirigée par les Etats-Unis devient de plus en plus pénible, réduisant à néant la rhétorique allègrement optimiste des administrations Bush et Blair. Fin juin, de retour d’Irak, Joe Biden, un sénateur démocrate, critiquait la « (...) longue litanie des estimations prometteuses, affirmations trompeuses et autres tirades prématurées célébrant la victoire auxquelles s’est livrée l’administration [Bush] à propos de l’Irak ». Le Sunday Times du 26 juin 2005, qui rapportait ces propos du sénateur Biden, poursuit : « Avec les discours quotidiens de réconfort insipide que nous livre M. Bush, sa crédibilité - son taux de popularité est en chute libre - et, bien sûr, celle de M. Blair en prennent un coup supplémentaire.  »

La sophistication croissante de la résistance

Naturellement, les estimations internes de l’administration Bush à propos de la guerre n’approchent nulle part l’optimisme béat des exagérations en public de la Maison-Blanche. Le récent rapport de la CIA sur la résistance irakienne disait que, de la même façon que les troupes américaines ont beaucoup appris à combattre la résistance dans un terrain urbain, il en a été de même pour la résistance dans ses combats contre les forces d’occupation. Qui plus est, la résistance est parvenue à s’adapter très vite à un environnement qu’elle connaît de toute façon mieux que les agresseurs étrangers et elle a développé une capacité de destruction remarquable contre les convois armés américains et les Humver, contribuant ainsi à une escalade des chiffres de pertes parmi les forces américaines. «  Les guérillas », dit l’International Herald Tribune du 25 juillet, « choisissent leurs cibles avec une plus grande précision et elles exécutent et amplifient leurs attaques avec plus de sophistication que par le passé. »

Cette sophistication croissante de la résistance dans la poursuite de la guerre populaire s’accompagne d’une capacité à reformer ses rangs plus rapidement que ne les déciment les forces d’occupation. « Nous capturons ou tuons des tas de rebelles », a affirmé un officier supérieur des renseignements militaires américains, mais « (...) ils sont remplacés plus rapidement que nous ne sommes en mesure d’empêcher leurs opérations. Il y a toujours un autre rebelle prêt à se dresser et à prendre la relève. » (International Herald Tribune, 25 juillet 2005). Les hauts responsables militaires américains admettent que le nombre d’attaques de la résistance contre les forces américaines et irakiennes est en hausse constante depuis l’an dernier, pour atteindre environ 65 attaques par jour actuellement.

Le recours aux IED

La résistance irakienne est devenue particulièrement habile dans l’emploi des engins explosifs improvisés (IED - improvised* explosive devices), qu’elle utilise comme mines routières pour attaquer les convois et véhicules blindés des forces d’occupation, accroissant ainsi considérablement le danger encouru par les forces dirigées par les Etats-Unis et les troupes irakiennes du régime fantoche quand elles se déplacent à travers le pays. Rien que durant les 18 premiers jours d’août, 31 soldats américains ont été tués par des IED - ce qui en fit un des mois les plus mortels, sur le plan des mines routières, depuis le début de cette guerre prédatrice contre le peuple de l’Irak. En fait, ce fut l’été des IED. Entre le 1er mai et le 18 août, 136 soldats américains ont été tués par des IED - plus du double par rapport à la même période, l’an dernier. Le tribut de 72 tués en juin et en juillet en fit la tranche de deux mois la plus lourde depuis le début de la guerre.

Les attaques par IED fournissent la preuve tangible de l’élasticité et de la faculté d’adaptation de la résistance - même confrontée à l’intensification des offensives américaines tout au long de la vallée de l’Euphrate. « C’est un ennemi très brutal, mortellement efficace et doué d’une grande faculté d’adaptation » a déclaré le général de brigade Carter Ham, commandant des forces américaines dans le nord-ouest de l’Irak, où la nouvelle offensive américaine contre la résistance bat actuellement son plein. La sophistication de la résistance est, entre autres, attestée par son recours, pour la première fois, à ce qu’on appelle des charges creuses - des explosifs dont on peut orienter la force d’explosion sur un seul point de façon à pénétrer un blindage et, partant, à déjouer les mesures prises par les Américains pour protéger leurs militaires sur les routes. La résistance est occupée à améliorer les IED en utilisant divers pénétrateurs et techniques de déclenchement des explosions. Des convois venus du Koweït, de Jordanie et de Turquie ont rencontré cette année deux fois plus d’attaques aux IED que l’an dernier. Et même dans les endroits où, en raison des offensives américaines, le nombre des attaques par IED a diminué, les pertes qu’elles ont occasionnées se sont considérablement accrues.

Les attaques de la résistance

Pour que le lecteur se fasse une idée de la résistance croissante du peuple irakien au régime d’occupation, nous reprenons ci-dessous la liste des actions les plus significatives de la résistance contre les forces américaines et leurs marionnettes au cours des mois de juillet et août 2005.

Durant la première semaine de juillet, les forces d’occupation ont été contraintes à la défensive lors d’une série en cascade d’attaques lancées par la résistance dans tout le pays.

Au cours de la seconde semaine de juillet, les combattants irakiens pour la liberté ont déclenché une offensive majeure contre les forces américaines et irakiennes dans une série d’attaques dans tout le pays. La plus mortelle de ces attaques a eu lieu le 10 juillet, lorsque des bombes utilisées dans quatre attaques distinctes autour de Bagdad ont tué 40 personnes. La plus sanglante de ces opérations était dirigée contre une foule de plus ou moins 400 candidats militaires massés à l’entrée du champ d’aviation militaire de Murhanna, aujourd’hui converti en centre de recrutement. Pendant ce temps, déjouant les tentatives trompeuses des Américains visant à diviser la population irakienne selon ses options confessionnelles, le religieux chiite radical Muqtada Sadr réclamait un million de signatures au bas d’une pétition exigeant le retrait de l’Irak des troupes d’occupation dirigées par les Américains. Le gouvernement fantoche d’Ibrahim al-Jafaari a été forcé d’admettre que la résistance contrôle aujourd’hui 60% de la province occidentale d’Anbar, y compris de grandes parties de sa capitale, Ramadi.

Durant la troisième semaine de juillet, les forces d’occupation ont été confrontées à une avalanche d’attaques à la roquette, d’explosions de bombes et de fusillades dans tout l’Irak. Les efforts des forces américaines pour entrer dans la ville occidentale de Rawah ont été repoussés à plusieurs reprises alors que les combattants pour la liberté bombardaient les camps américains et tendaient des embuscades aux patrouilles américaines dans la ville héroïque de Fallujah, censée avoir été prise et pacifiée par les forces américaines en novembre dernier. Le 19 juillet, au beau milieu du trafic d’une artère animée de Bagdad, la résistance abattait à leur sortie d’un restaurant trois collaborateurs sunnites qui avaient pris part à cette mascarade orchestrée par les Américains, la rédaction de la nouvelle constitution. Le même jour, un juge collaborateur était abattu à Nasiriyah. Ces attaques de la résistance, visant à éliminer des collaborateurs et à servir d’avertissement aux autres afin qu’ils n’empruntent pas la voie de la trahison envers le peuple irakien, s’avèrent avoir atteint leurs objectifs car, à l’issue de ces attentats, des dirigeants sunnites modérés annonçaient qu’ils suspendaient leurs efforts d’aide à la rédaction de la nouvelle contribution.

Le 24 juillet, en pleine tempête de sable, un camion piégé fonçait dans les barrières de protection d’un commissariat de police, tuant au moins 25 personnes et en blessant 33 autres. La série de bombardements de juillet, qui a tué des centaines de personnes, a servi à semer de sérieux doutes sur la capacité des Etats-Unis et du gouvernement fantoche irakien à vaincre la résistance. À peine quelques semaines plus tôt, les officiels des Etats-Unis et du gouvernement irakien se vantaient de ce que leurs opérations à Bagdad avaient rendu la capitale sûre et découragé les desseins des combattants de la liberté. En guise de riposte, dirait-on, la résistance déclenchait coup sur coup une série d’attaques spectaculaires et mortelles - effaçant le sourire des visages des porte-parole américains et des représentants du régime fantoche. Au cours des 10 jours précédant le 24 juillet, plus de 20 voitures piégées faisaient au moins 200 morts à Bagdad ou aux alentours. La semaine précédente, il y avait eu 23 attentats à la voiture piégée. Les principales cibles de ces attentats étaient les unités de la police collaboratrice.

Le 2 juillet, la résistance liquidait également le général collaborateur chargé du Déploiement rapide des troupes irakiennes, alors que le 24 juillet, elle abattait un haut responsable de la police à Kirkuk.

Ce même 2 juillet, dans un effort tendant à isoler le régime fantoche et à persuader les gouvernements étrangers, et plus particulièrement ceux du Moyen-Orient, à bloquer complètement toutes relations diplomatiques avec Bagdad, la résistance enlevait, puis exécutait Ihab al-Sharif, le principal diplomate égyptien qui avait été désigné comme principal ambassadeur du monde arabe en Irak. Trois jours plus tard, la résistance attaquait des diplomates pakistanais et bahreïniens dans leurs voitures. À la suite de cette embuscade, le Pakistan rappelait son ambassadeur d’Irak pour l’envoyer en Jordanie. Le 22 juillet, le principal diplomate algérien et l’un de ses assistants étaient kidnappés en plein jour par la résistance à Mansour, l’un des quartiers les plus huppés de Bagdad. Depuis ces enlèvements, aucun gouvernement arabe n’a plus envoyé d’ambassadeur en Irak.

Si, pour l’occupation, le cours des événements fut aussi rude que ce qu’on vient de souligner plus haut, août n’allait lui accorder aucun répit. Le 11 août, 6 marines américains d’une patrouille à pied à l’extérieur de la ville de Haditha étaient tués par des tirs d’armes légères de la résistance. Le surlendemain (13 août), 14 marines américains étaient encore tués lorsqu’une mine routière faisait sauter leur véhicule d’assaut amphibie à proximité de cette même ville de Haditha - à 200 km à l’ouest de Bagdad, dans la vallée de l’Euphrate -, ce qui portait à 21 le nombre de marines tués dans cette zone au cours de la même semaine, anéantissant ainsi les espoirs américains de voir la résistance s’atténuer progressivement.

Le niveau de la résistance est tel que l’International Herald Tribune du 25 juillet a été bien obligé de faire remarquer :

« Elle [la résistance] ne cesse de s’intensifier.

« Bien que, depuis des mois, on affirme que leurs forces déclinent, il apparaît que les guérillas et les terroristes combattant l’initiative soutenue par les Américains deviennent plus violents, mobiles, résistants et sophistiqués que jamais.

« Une série d’attentats récents, y compris l’exécution de dirigeants sunnites modérés et l’enlèvement de diplomates étrangers, a fait comprendre à de nombreux Irakiens que le processus démocratique déployé depuis que les Américains ont restauré la souveraineté du pays en juin 2004, n’est pas seulement parvenu à isoler les guérillas mais qu’il est devenu lui-même la cible de ces dernières. »

Multiplication des attentats en Afghanistan

La vague montante de la résistance en Irak s’accompagne aujourd’hui d’une multiplication des attaques rebelles contre les forces sous commandement américain en Afghanistan, où 4 militaires américains ont été tués et 3 blessés lors d’un attentat à la bombe dans le district de Dia Chopan, le 21 août. L’attaque faisait suite au décès de 17 soldats espagnols lors du crash de leur hélicoptère, durant un exercice, non loin de Harat, accident fortement présumé avoir été le résultat de tirs hostiles de la part de la résistance afghane. Au cours de cette année, 47 soldats américains ont été tués lors de combats en Afghanistan, ce qui porte à 177 le nombre total des militaires américains qui ont perdu la vie dans ce pays ou dans les parages depuis le début de la fameuse opération « Enduring Freedom » (Liberté durable), en 2001. En tout, selon les sources de guerre officielles, les Etats-Unis ont perdu plus de 2.100 militaires en Irak et en Afghanistan. Tous, hormis 177, ont été tués en Irak. Plus de 15.000 ont également été blessés - dont un tiers très grièvement.

Plus alarmantes encore pour l’occupation, il y a les affirmations justifiées selon lesquelles les diverses factions de la résistance sont prêtes à constituer un front uni de libération, suite à un grand nombre de réunions à Alger.

Guère étonnant, dès lors, que l’impérialisme anglo-américain ait élaboré des plans visant à réduire de façon draconienne l’importance de ses forces en Irak. Un rapport secret intitulé « UK Eyes Only » (Réservé à des yeux britanniques), atterri dans la presse le 10 juillet, contenait des plans manifestes visant à réduire les effectifs de l’armée britannique d’occupation de 8.500 à 3.000 hommes vers le milieu de l’an prochain, alors que les plans des Etats-Unis visaient à réduire leurs forces à 66.000 hommes, alors qu’elles en comptent 150.000 actuellement. Le rapport, réfuté officiellement, propose une condition, à savoir que la réduction des effectifs doit dépendre de l’état de la sécurité et de la « pression irakienne interne ».

Les coûts de la guerre

Pendant ce temps, les coûts de la guerre suivent une spirale qui échappe à tout contrôle. Les guerres prédatrices en Irak et en Afghanistan ont déjà coûté 314 milliards de dollars aux contribuables américains et, selon les prévisions de Bureau du budget du Congrès, elles vont en coûter 450 milliards de plus au cours de la prochaine décennie - ce qui fera de l’ensemble des campagnes, et en particulier de la guerre en Irak, l’aventure militaire la plus chère de ces 60 dernières années.

D’après les estimations du Centre des Evaluations stratégiques et budgétaires, un réservoir à cerveaux de Washington, la guerre impérialiste américaine contre le peuple coréen a coûté aux Etats-Unis 430 millions de dollars et la guerre du Vietnam 600 milliards, aux prix actuels, alors que la guerre en Irak pourrait fort bien dépasser les 700 milliards. Son coût mensuel se situe entre 5 et 8 milliards de dollars.

Au cours du présent exercice fiscale, l’administration américaine a reçu 107 milliards de dollars en appropriations spéciales, dont 87 milliards se rapportant directement aux opérations militaires, le reste étant destiné à entraîner et équiper les forces irakiennes.

Tout ceci, en sus des autres coûts comme, par exemple, la construction de l’ambassade des Etats-Unis à Bagdad, au devis de 658 millions de dollars. Si vous ajoutez à cela les frais initiaux des opérations, les dépenses totales pour ce bâtiment d’une sécurité hyper-sophistiquée pourraient atteindre 1,3 milliard de dollars avant qu’il n’ouvre ses portes d’ici quelques années - c’est-à-dire si, entre-temps, les Etats-Unis n’auront pas été chassés de l’Irak par la résistance. (Les informations des quatre derniers paragraphes émanent du San Francisco Chronicle du 17 juillet 2005.)

Et, au contraire de la guerre du Golfe (1991), les Etats-Unis ont dû assumer seuls tous les coûts de la présente guerre. En comparaison, le gouvernement britannique dépense chaque mois 408,3 millions de livres pour ses aventures impérialistes en Irak et en Afghanistan.

Loin d’assurer davantage la sécurité des citoyens américains, la guerre nuit aux contribuables en leur faisant endosser le fardeau colossal d’une dette, puisque la guerre est financée via des dépenses déficitaires - plongeant les priorités fiscales américaines, qui sont déjà en déséquilibre absolu, dans un désordre quasi total en raison de déficits commerciaux et budgétaires sans précédent et d’énormes passifs extérieurs nets. S’il continue sur sa lancée actuelle, l’impérialisme américain fonce vers une banqueroute économique certaine. Il n’est pas étonnant, dès lors, que le sénateur républicain Chuck Hagel, du Nebraska, ait déclaré à US New and World Report, voici quelques mois, que la Maison-Blanche était «  complètement déconnectée de la réalité », alors qu’en février, il avait déjà accusé l’administration Bush d’agir d’une «  manière dangereusement irresponsable ».

L’impopularité de la guerre

Le fardeau financier, combiné à l’échec militaire, rend la guerre de plus en plus impopulaire. Cindy Sheehan, la mère de Casey, un jeune soldat américain tué en Irak et dont la veillée funèbre débuta au début août à quelques milles du ranch de Crawford, où Bush entamait justement ses cinq semaines de congés, a contribué à galvaniser le mouvement contre la guerre. Cette veillée a été un désastre sur le plan des relations publiques, pour Bush, qui a refusé de rencontrer Madame Sheehan et de lui expliquer par la même occasion pourquoi son fils était mort en Irak. Ce refus allait en outre valoir à Bush la réputation de manquer de cœur.

Un récent sondage de USA Today/Gallup a fait savoir que 54% des Américains estimaient que ça ne valait pas la peine d’aller en Irak. 51% désapprouvaient la manière de Bush d’occuper la présidence. Un sondage séparé de Newsweek a révélé que 61% désapprouvaient la manière d’agir de Bush en Irak. Avec seulement 34% de personnes sondées favorables à la façon dont Bush mène la guerre, les Etats-Unis atteignent un « point critique ». Selon un sondage Gallup effectué le 26 août dernier, l’approbation publique générale vis-à-vis de Bush est retombée à 40%, soit 5% de moins que quinze jours plus tôt. Alors qu’en août 2003, 14% seulement des Américains réclamaient le retrait de toutes les troupes américaines de l’Irak, aujourd’hui, 33% d’entre eux formulent cette exigence.

Enhardis par les données énoncées ci-dessus, certains sénateurs, tel Russell Feingold (démocrate du Wisconsin), sont allés jusqu’à réclamer le retrait des troupes pour fin 2006.

On assiste à un regain d’intensité dans les débats qui divisent les cercles dirigeants sur la question de la guerre en Irak. Cette intensité montre bien que « la longue période de consentement à une politique à peine expliquée et truffée d’inconsistances touche à sa fin. On se rapproche d’un certain point critique où l’on est soit pour, soit contre l’ensemble de l’entreprise  ». (Sunday Times, 26 juin 2005).

L’International Herald Tribune du 25 juillet, dans un commentaire sur le fossé qui sépare le public américain de l’armée et, particulièrement, de la mission de cette dernière en Irak, fait observer :

«  Le cri de ralliement de l’administration Bush, disant que l’Amérique est une nation en guerre, sonne de plus en plus creux pour les hommes et les femmes en uniforme, lesquels rétorquent avec frustration que l’Amérique n’est pas une nation en guerre, mais une nation dont seule l’armée est en guerre.

« Alors que les officiers et les effectifs sous les drapeaux disent qu’ils bénéficient de marques symboliques de soutien et malgré les taux élevés réalisés actuellement par l’armée dans les sondages de l’opinion publique, ‘ce n’est tout simplement pas suffisant’, a déclaré un général de brigade qui a servi en Irak. ‘Il en faut plus’, a-t-il ajouté, déclarant que l’absence d’appel en faveur d’un plus grand sacrifice de la nation en ces temps de guerre est devenu un sujet de discussion quasi permanent parmi les officiers et les effectifs engagés. »

David Hendrickson, un spécialiste en politique étrangère du Colorado College, est cité par l’International Herald Tribune pour avoir par rapport au reste du pays. Les gens associent la qualité d’officier à celle de prêtre déclaré : « Le public désire ardemment soutenir les troupes. Mais il ne croit pas réellement en la mission. La plupart des gens considèrent qu’il s’agit d’un choix de guerre, et la majorité (...) estime qu’il s’agissait d’un mauvais choix. » (Ibidem)

Le général major Robert Scales, ancien commandant de l’Army War College (Ecole de guerre de l’armée), aujourd’hui retraité, aurait déclaré avoir entendu toute une série de doléances de la part d’officiers d’active à propos de « l’isolement croissant de l’armée. Vous savez, la prêtrise suscite un énorme respect, mais personne ne veut s’engager dans le célibat. » (Ibidem)

Il est dans la nature même de la guerre prédatrice inique menée par l’impérialisme que l’armée ne s’attire ni soutien ni sympathie du public et il en résulte que les militaires impérialistes sont perçus comme de vulgaires mercenaires - des tueurs à gages - payés par l’impérialisme pour faire sa sale besogne, laquelle consiste à soumettre autrui aux intérêts de la domination de leur classe dirigeante. Lorsqu’une telle attitude, consciente ou pas, prévaut parmi la population, il devient problématique pour l’impérialisme de mener des guerres durant une période prolongée.

Le fiasco de la constitution

Parallèlement à la guerre qu’il a menée contre le peuple irakien, l’impérialisme américain a organisé une mascarade de processus politique - dans le seul but de doter le gouvernement irakien fantoche, mis en place à la pointe du fusil par les forces d’occupation, des parures et des signes extérieurs de la souveraineté. À l’issue du simulacre d’élection du 30 janvier 2005, le parlement fantoche était lié à la date limite du 15 août, date à laquelle le projet de constitution devait être achevé, présenté à ce même parlement d’opérette et approuvé par lui. Il existe de sérieuses divergences, parmi les marionnettes attelées à la rédaction de ce document sans valeur ni sens, à propos de questions comme le rôle de la religion et le fédéralisme, par exemple.

Incapables de se mettre d’accord entre elles et soumises aux pressions de l’impérialisme américain pour qu’elles respectent les délais et créent ainsi l’apparence d’un événement politique d’une grande ampleur, les marionnettes parlementaires se sont attelées à la promulgation d’une farce du plus haut effet comique. Le document, bien qu’incomplet et non encore approuvé par la totalité des partis concernés, a été néanmoins présenté à cette assemblée afin de respecter le délai imparti. Dans l’intervalle, les négociations se sont poursuivies en coulisse afin de persuader les opposants radicaux aux dispositions fédéralistes de cet avorton de document constitutionnel de laisser de côté leurs griefs. Cette opposition n’émane pas que des sunnites, comme voudraient nous le faire croire les porte-parole et médias impérialistes, mais aussi de nombreux chiites, y compris Muqtada al-Sadr, qui croient que le fédéralisme n’est qu’une recette pour réaliser la partition de l’Irak - faisant ainsi du pays une proie facile à dévorer, morceau par morceau, pour l’impérialisme. D’où les violents combats qui ont fait rage entre les partisans de Sadr et les contre-révolutionnaires du Sciri (Conseil suprême de la Révolution islamique en Irak). Le 26 août, des centaines de milliers d’Irakiens ont manifesté dans huit villes en guise de soutien à la position de Sadr.

Au vu de cette impasse, l’assemblée des marionnettes va devoir abandonner ce document constitutionnel (il en existe des versions complètes, déjà livrées aux ambassades des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne à Bagdad, mais les membres de cette assemblée n’en ont pas encore eu connaissance) et, par conséquent, s’atteler à reprendre tout le processus à zéro. À moins que les partisans d’Ibrahim al-Jafaari et les Kurdes ne se servent de leur majorité pour faire passer le document, risquant ensuite de le voir rejeté lors du référendum prévu pour le 15 octobre prochain. Sous la Loi administrative de transition - la TAL, la constitution provisoire imposée par les Etats-Unis - un vote « non » par une majorité des deux tiers dans trois provinces irakiennes, quelles qu’elles soient, suffirait à annuler ce document. C’est une chose que la résistance pourrait déjà arranger toute seule, sans parler des forces combinées de tous ceux qui sont hostiles à cette TAL.

Il est clair que cette farce constitutionnelle ne mènera le régime d’occupation et ses marionnettes nulle part, car le problème n’est pas la constitution mais l’occupation de l’Irak par les forces impérialistes anglo-américaines.

L’Irak est aujourd’hui divisé en deux camps mutuellement hostiles et irréconciliables - une majorité, qui s’oppose à l’occupation et mène un combat à mort pour en débarrasser le pays, et une petite minorité de larbins, sans base sociale, qui ont été catapultés en Irak dans des véhicules militaires américains, comme couverture destinée à légitimer la guerre prédatrice de domination impérialiste. Même si elle est acceptée, aucune constitution ne pourra gommer les différences entre les deux camps adverses. La question ne pourrait être résolue que sur le champ de bataille, par la victoire d’un camp ou de l’autre. Au vu de la situation actuelle et de la façon dont elle évolue, il est clair que les forces de libération nationale mènent la course et qu’elles sont occupées, quels que soient les zigzags de la route et le temps que l’affaire pourrait prendre, à obtenir une victoire historique en infligeant une défaite des plus humiliantes à l’impérialisme anglo-américain.

À la victoire du peuple irakien !!!

Note * « Improvised » (improvisés) et non « improved » (améliorés), comme l’écrit l’auteur (NdT).