Les Nations unies et leur conduite durant l’invasion et l’occupation de l’Irak

Les Nations unies et leur conduite durant l’invasion et l’occupation de l’Irak

Denis Halliday

26 juin 2005

Introduction et contexte

Depuis 1990, le peuple de l’Irak a été la victime d’une agression constante de la part du Conseil de sécurité des Nations unies sous la houlette des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Déclenchée par l’invasion irakienne du Koweït, cette agression contre le peuple irakien ne peut se justifier. Je le dis sans vouloir d’aucune façon justifier cette invasion irakienne du Koweït (…) car il ne peut y avoir de justification de cette agression. En lieu et place, ce point de vue reflète le rejet par les Américains des propositions irakiennes de retrait pacifique. Ce rejet était motivé par la détermination de Washington de détruire le potentiel irakien et de renverser par la violence l’ancien ami et allié de Bagdad, qui avait perdu toute son utilité.

La guerre du Golfe de 1991 qui en a résulté, décidée par les Nations unies, les crimes de guerre commis au nom de l’ONU par les forces américaines durant ce même conflit, ont déclenché un modèle d’agression militariste contre le peuple irakien qui se poursuit toujours aujourd’hui. Il en a résulté des pertes massives en vies civiles (…) certaines en raison de négligences politiques et militaires, d’autres intentionnellement (…) toutes comportant au moins un élément essentiel de la définition du génocide. Cette riposte primaire des Nations unies à l’un de ses Etats membres fondateurs (…) via les sanctions mortelles de l’ONU appliquées depuis 2002 (…) se poursuit aujourd’hui de façon regrettable à la suite de l’invasion illégale de 2003 et de l’occupation militaire et idéologique par les troupes de Bush II et de Blair.

Depuis 1945, manipulé et corrompu par ses cinq membres permanents, le Conseil de sécurité des Nations unies a souvent été employé de façon brutale pour servir les intérêts mesquins des puissants. Ceci, en conformité avec les intentions des « vainqueurs » de la Seconde Guerre mondiale (…) si vous lisez entre les lignes (…) dans les termes de référence du Conseil tels qu’ils sont repris dans la Charte des Nations unies.

En conséquence, les Nations unies ont été mises en place pour faire preuve de manquement vis-à-vis du peuple de l’Irak et elles continuent à le faire à tous égards. J’en réfère à la prétendue coalition des Nations unies (…) dirigée par les Etats-Unis (…) de la guerre du Golfe de 1991 qui a détruit des vies et des infrastructures civiles en violation des Conventions et Protocoles de Genève, a massacré des milliers de personnes et enterré vivants dans des fosses communes d’autres centaines de militaires irakiens. La direction américaine a déployé cette nouvelle arme nucléaire de choix, à savoir des centaines de tonnes de missiles et d’obus à l’uranium appauvri, avec d’horribles suites cancéreuses qui se font toujours sentir aujourd’hui.

En outre, les Nations unies ont accepté sans mot dire les bombardements de la zone irakienne de non-vol, totalement illégale, par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, qui ont culminé par les « attaques destinées à saper la résistance » précédant l’invasion illégale de 2003. Plus de douze années de sanctions génocidaires de l’ONU constituent une infraction massive de la Charte même de l’ONU (…) je fais ici référence aux articles 1 et 2 en particulier (…) et je souligne les incompatibilités que l’on y trouve.

Par ces moyens variés, l’ONU a elle-même détruit les droits fondamentaux de l’homme des citoyens irakiens via l’ignorance volontaire des articles 22-28 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. Les Nations unies ont failli en ne protégeant ni ne sauvegardant les enfants et les gens avant et après l’invasion de 2003. Et, comme les peu fréquences couvertures honnêtes des informations le prouvent, les Nations unies continuent à manquer à l’Irak (…) et à son peuple (…) aujourd’hui, en cette mi-2005, au moment même où ce tribunal siège à Istanbul.

L’invasion anglo-américaine de mars 2003

Lors de l’annonce par les Etats-Unis de leurs intentions d’invasion, où se trouvaient les voix des Nations unies défendant les lois morales et l’intégrité ? Où est restée l’indignation ? Où est restée l’intervention du secrétaire général, conformément à ses obligations vis-à-vis de l’article 99 de la Charte des Nations unies ? Où étaient les nombreux Etats membres censés protéger la Charte des Nations unies et les règles du droit international ? Compte tenu des discussions de l’Assemblée générale et le pouvoir de la majorité, où étaient les Etats prêts à arrêter l’agression stratégique d’ordre pétrolier et militaire ouvertement organisée par Bush et Blair ? La réponse est que (…) nulle part, on ne les a trouvés (…) ni entendus.

Le respect des droits de l’homme et des législations internationales, y compris la Charte même des Nations unies, est resté tapi dans le monde pollué et obscur des intérêts particuliers des Etats membres de l’ONU qui favorise les accolades suantes du régime de Bush. Le monde a regardé Bush menacer les chefs d’Etat présents lors de l’Assemblée générale de septembre 2002 et les a ensuite vus, lui et Blair, tromper tous ceux qui semblaient bien disposés à se laisser faire, une tromperie qui a atteint son point culminant lorsque, début 2003, le général Powell a menti devant le Conseil de sécurité à propos des armes de destruction massive et du « danger » que constituait l’Irak !

On nous a demandé de croire que l’esprit de l’article 51 de la Charte des Nations unies, traitant de l’autodéfense nationale (…) justifiait d’une certaine façon l’invasion de l’Irak par les Américains ! (…) comme ce fut le cas également pour l’invasion de l’Afghanistan. Blair nous a informés de ce que Bagdad pouvait attaquer Londres par surprise en 45 minutes avec des armes aussi terribles qu’illégales. Il a fait allusion a des armes chimiques et biologiques vendues à l’Irak par le Royaume-Uni même, ou par les amis européens et américains de l’Irak à l’époque où Bagdad avait vaincu l’Iran, victoire due surtout au soutien pressant et actif de Washington et de Londres.

Prétendre que, début 2003, le Conseil de sécurité a été courageux en refusant d’avaliser l’invasion prévue par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne (…) est une pensée louable, mais sans plus. Les Nations unies ne sont pas, et je le répète, NE SONT PAS sorties grandies de cette action ou de leur absence d’intervention dans la protection de l’Etat souverain de l’Irak contre la brutale agression militaire des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Ce fut peut-être le niveau le plus bas jamais atteint par les Nations unies au cours de leur brève histoire. Même la tyrannie du « veto » n’a pas sauvé la crédibilité de l’ONU, ce qui aurait pu être le cas si les trois puissances restantes bénéficiant du droit de veto avaient utilisé ce moyen dictatorial. Elles ne l’ont pas fait. Et le fait que les Etats membres restants n’ont pas claqué la porte, ni démissionné, qu’ils ne se sont ni levés ni ne se sont comptés (…) a été et reste encore (…) proprement dégoûtant. Quand, vingt mois plus tard, le secrétaire général a rappelé sa responsabilité pour prendre la parole au nom de l’article 99, il l’a fait en grommelant et à titre strictement officieux, mais, hélas ! il était déjà bien trop tard.

Sans l’autorité qui réside dans l’article 42 de la Charte et sans une résolution du Conseil de sécurité autorisant l’usage spécifique de la force, l’invasion de l’Irak par Bush et Blair a eu lieu en violation totale de la législation internationale. Les crimes de guerre commis dans cette agression militaire manifeste (…) les plus graves des crimes internationaux (…) doivent être imputés à Bush en sa qualité de commandant en chef et à Blair en tant que Premier ministre ayant abusé de ses pouvoirs de guerre. Bush devrait être accusé d’avoir recouru au terrorisme d’Etat Bush devrait être accusé de recours au terrorisme d’Etat pour la toute première vague de bombardements « shock and awe » (ébranler et terroriser) sur Bagdad (…) destinés à terroriser une population civile en l’agressant physiquement et mentalement. C’est le genre de terrorisme d’Etat qui ravive le souvenir tragique du crime nucléaire américain que fut le bombardement de Hiroshima et Nagasaki. C’est le genre de terrorisme d’Etat à côté duquel la résistance « terroriste » à petite échelle semble comparativement dérisoire. Toutefois, les deux formes sont illégales et inadmissibles sur le plan du droit international.

Les Etats membres de l’ONU ont écouté et avalé l’affaire sans rien dire (…) certains avec douleur (…) les arguments fallacieux concernant la capacité de l’Irak de menacer non seulement ses voisins (…) dont aucun, en fait, n’a semblé partager cette crainte (…) et les menaces physiques à l’égard de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis ! Le monde a tenté désespérément de croire l’absurdité des gigantesques stocks d’armes de destruction massive installés en Irak. Et, au sommet des mensonges et des imbécillités américano-britanniques (…) il y avait l’accusation de liens étroits entre l’Irak et « al-Qaeda » et de l’attentat contre les tours jumelles de New York, symboles de la rapacité capitaliste, le 11 septembre 2001. Pour ceux qui ont compris la nature laïque du gouvernement de Bagdad et de la philosophie baathiste (…) cette connexion supposée rompait la dernière parcelle de crédibilité. Et les Nations unies sont restées immobiles et muettes. Même aujourd’hui, le Conseil de sécurité n’a pas du tout envie de définir le terrorisme par crainte que le terrorisme d’Etat auquel recourent ces cinq Etats membres permanents ne soit de ce fait entravé.

Par conséquent, l’invasion de mars 2003 invasion a eu lieu en rupture avec toutes les lois internationales connues, elle a été exécutée avec l’application du terrorisme et la perpétration de crimes de guerre, y compris la poursuite intensive de l’utilisation de l’uranium appauvri. Les Nations unies (…) leurs Etats membres et leur secrétaire général n’ont pas utilisé tous les moyens possibles pour protéger le peuple de l’Irak (…). Pire encore, les Nations unies ont été généralement perçues dans le monde entier comme si elles étaient d’accord et collaboraient avec cette agression. Ironiquement, dans un même temps, les Américains étaient outrés de ce que les Nations unies n’eussent pas soutenu la politique étrangère des Etats-Unis et leur agression militaire contre l’Irak qui servait d’abord leurs intérêts (…) mais voilà du matériel pour une autre session !

La collaboration des Nations unies avec l’occupation américano-britannique

Alors que l’invasion enfreignait la législation internationale, bien qu’elle ait été facilitée par l’acquiescement des Nations unies et qu’elle ait été mondialement condamnée, l’occupation fut, par ailleurs, plus aisément acceptée comme une nouvelle réalité, bien que tout aussi illégale. L’occupation fut soutenue par des Etats membres et des institutions donatrices et, ensuite, activement soutenue par les Nations unies. Ce soutien et cette implication active constituent une forme de collaboration. Et la collaboration de l’ONU avec l’ennemi occupant fut, et est toujours, une erreur tragique. Une collaboration de ce genre constitue un rôle inacceptable pour l’ONU.

Nous sommes tous familiarisés avec les droits de l’Irak à l’autodéfense et à la résistance à l’occupation militaire étrangère (…) tels qu’ils sont définis dans l’article 51 de la Charte de l’ONU. Nous sommes tout aussi familiarisés avec les conséquences souvent meurtrières de la collaboration, que la résistance française a rendues célèbres et même étrangement glorieuses sous l’occupation des années 1940. Il n’y a rien de glorieux dans le fait de tuer (…) que ce soit un ennemi ou des compatriotes, hommes et femmes, qui décident, pour l’une ou l’autre raison, de passer à la collaboration.

Il n’y a rien eu de glorieux – et il n’y a toujours rien – dans la collaboration de l’ONU en Irak, ni rien de glorieux non plus dans les conséquences (…) le bombardement mortel par camion piégé du bâtiment des Nations unies à Bagdad le 19 août 2003, lorsque quelque 20 membres du personnel des Nations unies ont perdu la vie. Le Conseil de sécurité, et tout particulièrement le secrétaire général, responsables du bien-être des membres du personnel, ont été incapables de comprendre que, même avant la collaboration, les Nations unies étaient l’organisation la plus détestée en Irak. Pourquoi ? Pourquoi pas ? (…) après douze années de sanctions mortelles de la part de l’ONU, qui ont coûté à l’Irak plus d’un million de vies humaines, pour la plupart des enfants, suivies par une collaboration prudente avec l’ennemi habituel de l’Irak, c’est-à-dire l’ennemi occupant américano-britannique. Après douze années d’humiliations et de perte de dignité sous la recherche intrusive par l’UNSCOM des armes de destruction massive (…) pourquoi chacun a-t-il été surpris ?

Le secrétaire général des Nations unies et son équipe ont été obligés de se tenir à l’écart de l’occupation illégale et, au mieux, en position d’attente. A moins qu’ils ne soient invités par un gouvernement irakien légitime (et il n’en est rien resté en Irak après le renversement illégal du gouvernement de Bagdad) à apporter leur aide (…) les Nations unies n’étaient absolument pas à leur place dans le pays. Elles n’avaient aucun mandat pour se trouver en Irak. Une demande émanant de Washington et/ou de Londres ne constitue pas une invitation légitime. Et les régimes fantoches ne peuvent être reconnus par l’ONU, même s’ils sont mis en place par deux Etats membres permanents du Conseil de sécurité. Le transport par voie aérienne d’Irakiens expatriés depuis longtemps en même temps que leurs nervis et mercenaires armés, puis leur installation en tant que régime de transition ne créent pas un gouvernement représentatif et légal avec lequel les Nations unies peuvent travailler de façon légitime.

Toutefois, on considère que l’occupation, même illégale, est soumise aux obligations définies par le droit international. De telles obligations comprenaient la dominance des lois du pays, la protection des propriétés de l’Etat et des propriétés privées et, peut-être plus importante encore (…) la protection et le bien-être de la population civile en vertu des lois internationales. Les forces d’occupation américaines et britanniques ont ouvertement violé ces obligations.

Elles ont permis, et même facilité, une rupture complète de la loi et de l’ordre. Elles étaient derrière quand le pillage et la destruction dans les villes de l’Irak ont eu lieu. Durant des semaines, puis des mois, elles ont complètement négligé de couvrir les besoins fondamentaux de la population, y compris sur le plan des vivres, du logement, de l’eau potable, de l’énergie, des soins de santé, de l’éducation et de l’emploi. Et, de façon tragique, l’ONU, sans le moindre courage, s’est tenue silencieusement à l’écart pendant que les Américains et les Britanniques provoquaient l’anarchie. Les Nations unies sont demeurées silencieuses quand les occupants ont semé la débandade dans les forces de défense irakiennes, y compris les gardes frontaliers, ouvrant de la sorte le pays à l’intrusion et au pillage de milliers d’intrus venus pour provoquer le chaos. Outre le coût pour le bien-être et les vies humaines parmi les civils irakiens, les intrus se sont également mis à attaquer l’ennemi commun occupant la région, c’est-à-dire les forces armées américaines, intruses et détestées – les redoutables croisés du fondamentalisme bushien. Une fois de plus, l’ONU fut incapable de protéger les droits souverains de l’Irak – tant le Conseil de sécurité que le secrétaire général étaient bâillonnés.

Avant que l’économie irakienne puisse même entamer le processus de convalescence après les sanctions de l’ONU et l’invasion militaire, les occupants américains abolirent le programme « pétrole contre vivres ». Même après l’invasion, ce programme demeura la principale source de nourriture et d’autres denrées essentielles pour plus de 85% d’une population de quelque 24 millions d’habitants. Avec un chômage dépassant 70%, plus les milliers d’hommes du personnel de défense rendus à la vie civile, les dommages de guerre de l’invasion et le nombre croissant de sans-logis, la condition sociale et économique du peuple irakien a continué à se détériorer.

Ignorant et grandement responsable de tout cela, Washington se tourna vers le modeste secteur privé irakien pour vendre brusquement des vivres, des médicaments et autres denrées essentielles (…) à une population de gens massivement sans emploi et appauvris face à l’inflation croissante. En quelques semaines à peine, une économie qui avait été centralisée et un secteur public géré sous les sanctions des Nations unies furent démantelés, avec des résultats particulièrement douloureux. Sous l’occupation américano-britannique, par exemple, les taux de mortalité infantile ont augmenté, de même que la malnutrition. Où était la voix de l’ONU censée protéger les intérêts civils fondamentaux et exiger que les obligations de l’occupation soient pleinement respectées par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ?

La disparition de la sécurité individuelle, des services sociaux, des soins de santé, de l’éducation et des besoins de base a été quasi totale. En d’autres termes, les forces militaires d’occupation ont failli sous tous les aspects dans la prise de leurs responsabilités, conformément aux lois internationales. Et l’ONU est restée silencieuse.

Les nations unies ont également gardé le silence quand les Etats-Unis se sont mis à construire quelque 14 bases militaires pour couvrir leurs propres besoins militaires stratégiques à long terme dans la région. Il s’agit de stratégies relatives à la présence militaire dans la région, aux réserves de gaz naturel et de pétrole ainsi qu’à leur contrôle. Toutefois, en ce qui concerne la reconstruction et les nouveaux investissements dans les infrastructures détruites par la guerre du Golfe en 1990, freinés par les sanctions de l’ONU et encore ralentis par l’invasion de Bush et Blair, on a très peu fait. En lieu et place, la présence des forces américano-britanniques ont provoqué le chaos et la résistance armée à leur occupation militaire. Les forces d’occupation se sont aliéné la majeure partie de la population (…) c’était à prévoir (…) mais, en outre, elles ont scindé ce pays laïque en zones religieuses et ethniques qui avaient été immergées depuis longtemps sous une identité nationale irakienne. L’Union européenne a-t-elle dit quelque chose ?

Pour la première fois depuis de nombreuses années, la terrible éventualité d’une guerre civile a été provoquée par une occupation étrangère qui (…) à l’instar d’un ancien régime colonial (…) a découvert les avantages du principe de « diviser pour régner », avec des résultats désastreux. Où est l’exigence de l’ONU de mettre un terme à l’occupation militaire et à la restitution tardive de l’Irak à ses propres habitants ?

Sous l’occupation initiale, les Nations unies avaient transféré quelque 8 milliards de dollars auprès d’une Autorité provisoire dirigée par un Américain. Et il ne s’agissait pas d’argent appartenant aux Nations unies. Il s’agissait de revenus pétroliers du gouvernement irakien obtenu lors des ventes de pétrole se rapportant au programme « pétrole contre vivres » ! Pire encore, il a été révélé récemment que l’ONU n’avait pas contrôlé le moins du monde l’envoi de ces 8 milliards de dollars et il apparaît aujourd’hui qu’une grande partie de cet argent a été mal géré et n’a même pas été pris en compte par les autorités américaines. Quelque 4 milliards de dollars ont été attribués sans même l’avantage d’une adjudication concurrentielle à Halliburton, une firme liée à la Maison-Blanche via Cheney, le vice-président. Des centaines de millions de dollars ont été déboursés en liquide aux « nouveaux » ministères installés avec et par les Américains, équipés en matériel et personnel et gérés par les Américains, sans comptabilité ! Ces milliards de dollars improprement cédés par les Nations unies étaient la propriété du peuple irakien. Une fois de plus, les Nations unies ont failli dans leurs responsabilités.

En guise de diversion par rapport à son occupation désastreuse, des frais qu’elle a coûtés et des pertes en vies humaines qu’elle a engendrées, Washington s’est attaqué au programme « pétrole contre vivres » au sein duquel il s’avère qu’il y a eu une mauvaise gestion de la part des Nations unies, des contrats minables, une comptabilité faiblarde sur le plan des avoirs irakiens et peut-être même du vol (…) pour des montants de l’ordre de 150.000 dollars. Néanmoins, ce programme unique et qui a connu un grand succès, portant sur quelque 65 milliards de dollars, a nourri et couvert les besoins essentiels de quelque 24 millions d’Irakiens de 1997 à 2002. Le scandale ne réside pas dans la mauvaise gestion de l’ONU (…) il réside dans les milliards de dollars de ventes de pétrole approuvées par Washington en dehors des contraintes du programme « pétrole contre vivres », c’est le fait d’accorder 30% des revenus pétroliers irakiens dépendant des arrangements « pétrole contre vivres » au Koweït alors que les enfants irakiens sont morts par manque d’investissements financiers en énergie électrique et eau potable. Voilà le génocide perpétré par les Nations unies à l’égard du peuple irakien durant douze longues années de strangulation sous un régime de sanctions totale unique en son genre.

Conclusion

Ce que nous rencontrons, aujourd’hui, en Irak, c’est un chaos politique et social quasi complet. L’occupation militaire étrangère a influencé des arrangements transitionnels qui ne sont pas représentatifs ni n’ont la confiance de nombreux Irakiens. Nous rencontrons le chaos et la misère pour le peuple irakien (…) qui compte de nombreux sans-logis en raison des actions militaires américano-britanniques dans des zones civiles et des villes, comme on a pu le voir dans les faubourgs de Bagdad et à Fallujah avec, en outre, des pertes humaines effroyables. Pour les survivants, il en a résulté des pertes de logements, le chômage et le peu de moyens de survie. Soins de santé et éducation sont en pleine pagaille du fait que les familles ont peur d’envoyer leurs enfants en clinique ou à l’école par crainte des bombardements et des kidnappings. La mortalité infantile et la malnutrition sont en hausse. La sécurité individuelle n’existe plus. Les étudiants universitaires se tiennent à l’écart de leurs institutions par crainte. La dégradation des services de police depuis l’occupation a débouché sur un taux d’assassinats et de meurtres inconnu dans l’Irak libre d’avant l’occupation. De nombreux fonctionnaires civils très expérimentés, intellectuels, médecins, enseignants ont été assassinés. Les Nations unies demeurent très silencieuses.

Malgré le courage de nombreux Irakiens qui sont allés voter dans des conditions voisinant l’impossible et qui travaillent dans le sens d’un système gouvernemental de remplacement, les institutions nationales restent en très mauvais état. Le capital financier et le capital humain font cruellement défaut. La constitution, dont le besoin se fait très sentir, est rédigée sous supervision américaine et les interférences des Américains sont susceptibles de déboucher sur les pires difficultés pour faire accepter cette même constitution. Il va sans aucun doute falloir en récrire une grande partie une fois que le pays aura un gouvernement élu et représentatif lorsqu’il sera libre de toute occupation étrangère. On s’attend à ce que l’Irak rejette de nombreuses pressions américaines, y compris la privatisation vers des sociétés étrangères des domaines essentiels du secteur public, comme l’eau, les ressources pétrolières et l’énergie. On craint que l’interférence du FMI n’aille déboucher sur des mesures d’ajustement structurel qui détruiront les bastions restants du système d’Etat providence dont tant d’Irakiens ont appris à dépendre.

En raison de la corruption du Conseil de sécurité et des violations de la Charte des Nations unies par les cinq membres permanents en particulier, l’invasion et l’occupation illégales de l’Irak et les nombreuses conséquences tragiques qui en découlent n’ont pas abouti à une condamnation par le Conseil de sécurité de l’ONU. Il est extrêmement honteux que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne continuent à tirer parti des bénéfices des Etats membres en bonne position, à continuer à avoir le droit de veto et à occuper leurs sièges permanents au Conseil. Ils n’ont pas été obligés de retirer leurs forces militaires d’occupation. Ils ont été incapables de se plier à leurs obligations d’occupants telles que définies par les législations internationales. Ils ont détourné (et abusé des) les ressources financières limitées des Irakiens et ont réduit de ce fait leurs dépenses de fonds propres qu’ils avaient transformés en obligations publiques en vue de la reconstruction et du développement.

Les Nations unies ont assisté sans rien dire aux pertes en vies humaines en Irak. Les Nations unies ont assisté, toujours sans le moindre commentaire, aux crimes de guerre des forces américano-britanniques, y compris les bombardements sans discernement de civils et l’usage d’engins à l’uranium appauvri. Les nations unies ont assisté aux pertes massives en vies humaines (…) qui, jusqu’à présent, dépassent les 100.000, selon les estimations. Comme vous le savez, les forces d’occupation américaines ne se soucient guère de comptabiliser les civils qu’elles tuent et/ou mutilent. Les Nations unies ont assisté à l’emploi de quelque 80.000 mercenaires qui se sont mis au service des autorités américaines sans se soumettre à quelque loi que ce soit. Les Nations unies ont assisté en silence aux violations des droits de l’homme par les Américains, à la torture et à la mise à mort de prisonniers irakiens (…) arrêtés et jetés en prison sans le moindre respect pour leurs droits ni la moindre explication à leurs familles.

Après avoir tragiquement affaibli l’Irak et son peuple par douze années de sanctions, les Nations unies n’ont entrepris aucune action pour arrêter, condamner ou punir les transgressions manifestes des Américains et des Britanniques à l’encontre de la Charte de l’ONU, des droits de l’homme et autres dispositions de la législation internationale.

Le monde a assisté en Irak au plus grave des crimes internationaux (…) un crime consistant en une agression militaire contre un Etat membre souverain (…) par les forces américaines et britanniques. Le monde attend que le peuple de l’Irak ait l’occasion de prendre lui-même ses propres décisions et de résoudre ses propres différents, si seulement il pouvait le faire sans occupation ou ingérence étrangère. (...)