Afghanistan : l’administration Bush veut poursuivre ses exactions sans témoin

AFGHANISTAN : L’ADMINISTRATION BUSH VEUT POURSUIVRE SES EXACTIONS SANS TEMOINS

25-04-2005

Bassirat.net

Sous la pression de l’administration américaine, les Nations unies ont mis fin au mandat de Cherif Bassiouni, professeur de droit à Chicago et expert indépendant dépêché en Afghanistan pour y évaluer la situation des droits de l’Homme au nom de l’ONU.

Dans son dernier rapport remis à la Commission des droits de l’Homme des Nations unies, Cherif Bassiouni dénonçait les « tortures, arrestations illégales et sévices » perpétrés par la coalition antiterroriste internationale placée sous l’égide de Washington, par les forces afghanes (police, armée et services de renseignements) et les sociétés de sécurité privées. « Les forces de la coalition doivent arrêter de se placer au dessus de la loi », a déclaré M. Bassiouni. « Lorsqu’elles se livrent » à de telles pratiques, « les forces de la coalition sapent la réalisation du projet national » et « créent un climat politique défavorable qui risque de faire échouer le processus de paix  », a-t-il estimé.

Cherif Bassiouni, qui s’est appuyé sur les travaux de la Commission indépendante des droits de l’homme, d’ONG et sur les témoignages de victimes, a dénoncé les méthodes employées par les soldats de la coalition pour interroger les prisonniers. « Il s’agit notamment (...) de sévices sexuels, de passage à tabac, d’actes de tortures et d’utilisation de la force ayant entraîné la mort  », a-t-il affirmé. « Dénuement forcé, aveuglement au moyen d’une cagoule, privation sensorielle, privation de sommeil et de nourriture, obligation de rester accroupi ou debout dans des postures douloureuses pendant des périodes prolongées » sont également des pratiques qui lui ont été rapportées.

Le rapport du M. Bassiouni pointe également du doigt la multiplication des intervenants et des structures engagées dans la lutte contre les restes des taliban et d’al-Qaïda en Afghanistan, ce qui rend son travail plus difficile alors que l’accès de certains centres de détention reste interdit aux experts de l’ONU. La coalition fait appel «  à différentes structures de contrôle et de commandement  ». Ce mode de fonctionnement qui « se répand dangereusement dans les organisations militaires et les services de sécurité afghans, est à l’origine de graves violations des droits de l’Homme ». « Selon les estimations d’ONG internationales  », écrit-il, « plus de 1 000 personnes ont été placées en détention, souvent après avoir été arrêtées avec un recours à la force excessif et sans discernement ».

En règle générale, de pareilles accusations amènent la « Commission onusienne des droits de l’Homme à adopter une résolution condamnant les abus et à nommer un rapporteur spécial chargé d’enquêter », explique Brad Adams, le directeur du département Asie de l’ONG Human Rights Watch. « Mais pour l’Afghanistan, les États-Unis n’ont pas voulu que ces mécanismes entrent en œuvre  ».

En effet, la délégation américaine de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU à Genève n’a que très modérément apprécié le rapport de Chérif Bassiouni. L’administration Bush s’est opposée à la poursuite de sa mission en Afghanistan, car elle considère que la situation des droits de l’Homme dans ce pays ne requiert pas la mobilisation d’un expert indépendant. Du point de vue américain, la fin de la mission de M. Bassiouni permettra à la Commission indépendante des droits de l’homme de jouer un plus grand rôle. Toutefois, cette organisation afghane est méprisée par l’armée américaine qui lui refuse l’accès aux centres de détention et ses demandes d’entretiens pour évoquer les dossiers de certains prisonniers de l’armée américaine en Afghanistan.

La question des droits de l’Homme en Afghanistan est désormais entre les mains de Louise Arbour, juriste canadienne qui œuvré en tant que procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda et qui dirige le Haut commissariat aux droits de l’homme des Nations unies. Les responsabilités de Mme Arbour « ne vont pas lui laisser le temps de se concentrer sur l’Afghanistan », déplore M. Adams.

En décembre dernier, suite à la publication par Human Rights Watch d’une lettre ouverte adressée au secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, l’armée américaine a admis que huit personnes sont décédées dans ses prisons afghanes entre 2002 et 2004.