Cheney a un conseil pour Téhéran

Cheney a un conseil pour Téhéran

par David E. Sanger

The New York Times, 22 janvier 2005

A peine quelques heures avant de prêter serment pour un second mandat, le vice-président Dick Cheney a soulevé publiquement la possibilité qu’Israël « pourrait très bien décider d’agir le premier » afin d’empêcher l’Iran d’obtenir des armes nucléaires.

Dans une interview accordée jeudi à l’émission de la MSNBC « Imus in the Morning » (Imus le matin), un forum des plus inhabituels pour Cheney, il a montré qu’il se servait du danger d’une action militaire israélienne comme d’une raison supplémentaire pour les Iraniens de devoir atteindre un accord diplomatique en vue de désarmer, et il faisait remarquer sèchement que le moindre frappe de ce genre allait laisser « par la suite un gâchis diplomatique » et qu’elle devait donc être évitée.

Dans son discours inaugural de jeudi, il s’est avéré que le président George W. Bush avait l’Iran à l’esprit, parmi d’autres pays, lorsqu’il déclara qu’il s’était engagé dans « le but ultime de mettre un terme à la tyrannie dans notre monde ».

Après avoir défendu la décision de l’administration d’envahir l’Irak, Cheney, qui est apparu dans l’émission avec son épouse, Lynne, a été interrogé à propos de la menace iranienne.

« Nous croyons qu’ils ont un nouveau programme nucléaire assez robuste », a-t-il dit des Iraniens, évitant le mot « armes », quoique, dans les milieux des renseignements américains et européens, il existe une croyance très répandue que le programme vise à construire un arsenal nucléaire.

Cheney a traité l’Iran de « sponsor notoire de la terreur », et tout particulièrement dans son soutien des Hezbollah, et il a déclaré que l’association entre la technologie nucléaire et le terrorisme « était une grande source d’inquiétude ».

« Si vous cherchez des endroits à problèmes potentiels, l’Iran figure précisément tout en haut de la liste », a-t-il ajouté.

Cheney mettait en exergue la diplomatie, et non l’action militaire, en tant que clé de la situation iranienne.

« A un certain point, si les Iraniens ne s’en tiennent pas à leurs engagements, la prochaine étape consistera à soumettre l’affaire au Conseil de sécurité de l’ONU et à chercher à leur imposer des sanctions internationales », a-t-il ajouté, ressortant la position déjà ancienne de l’administration.

L’Europe s’est opposée à de telles mesures, disant qu’elles ne feraient qu’inciter l’Iran à rompre avec le Traité de Non-Prolifération des Armes nucléaires et à chercher ouvertement à obtenir un armement atomique, suivant ainsi la voie empruntée par la Corée du Nord voici deux ans.

Don Imus, qui, durant la campagne électorale, n’avait pas caché son aversion pour la politique de Bush et de Cheney, demanda alors : « Pourquoi n’amenons-nous pas Israël à le faire ? », faisant ainsi allusion à une option militaire très débattue à Washington mais rarement abordée en public par des hauts personnages de l’Etat.

« Eh bien, l’une des inquiétudes nourries par les gens, c’est qu’Israël pourrait le faire sans qu’on le lui demande », a répondu Cheney. « Si, en fait, les Israéliens étaient convaincus que les Iraniens disposent d’une importante capacité nucléaire, étant donné le fait que la politique déclarée de l’Iran vise la destruction d’Israël, les Israéliens pourraient bien décider d’agir les premiers, et laisser le reste du monde se charger ensuite de remettre en ordre le gâchis diplomatique ainsi provoqué. »

« Nous ne voulons pas d’une guerre dans le Moyen-Orient, si nous pouvons l’éviter », a-t-il ajouté. « Dans le cas de la situation en Iran, je crois que cela conviendrait bien mieux à tout le monde si nous pouvions traiter cette affaire par la diplomatie. »

Durant plus d’un an, la CIA et autres agences de renseignements se sont intentionnellement concentrés sur l’identification des équipements nucléaires iraniens.

Imus, incapable de résister à la tentation d’asticoter Cheney à propos de sa réputation de véritable décideur de la Maison-Blanche, lui a également demandé : « Désirez-vous être président maintenant ? »

« Non », a répondu le vice-président, sans hésitation.

Imus d’insister : « Etes-vous le président, aujourd’hui ? »

« Non », a dit Cheney, « mais c’était bien essayé. »