Situation en Irak
Dix mois se sont écoulés depuis que les Etats Unis ont envahi l’Irak. Bush est resté sourd aux manifestations, dans le monde entier, d’un mouvement anti-guerre puissant, sourd aux mises en garde de certains de ses alliés, invoquant le droit international, sourd à l’opinion publique américaine, qui n’était pas favorable à une intervention unilatérale. Les premiers morts américains et anglais d’« après la guerre » sont encore présentés comme des anomalies, liée à la pagaie : accidents d’hélicoptères, de la route, bavures. Quelques mois plus tard, ils sont aussi nombreux que les morts survenues « pendant la guerre ». Et ce ne sont plus des accidents. Les attaques sont de véritables défis à l’occupant. Les observateurs commencent à parler de bourbier, et évoquent le Vietnam. On s’interroge sur les composantes de la résistance irakienne. Que s’est il passé ? Comment une telle disparité des forces peut elle conduire à cette situation ? Pour ce qui nous concerne, et c’est le cas de nombreuses voix dans le mouvement anti-guerre, nous n’avons cessé de dire que l’affrontement des troupes d’occupation avec la population irakienne était inscrit dans la nature même du projet US de domination de l’Irak , avec ou sans ONU. Une puissance étrangère prétendant mettre en place, par une expédition militaire massive, un gouvernement à sa botte, pour lui permettre d’assujettir le pays à ses besoins : il s’agit bien de mettre en place une colonie, et dans la durée, car il y a d’autres projets qui s’appuient sur ce nouvel Irak. De plus, même si peu de gens croit que l’instauration d’un régime démocratique soit le but de l’opération, il existe un enjeu que les apparences soient au moins sauvegardées. Il s’agit donc de mettre en place une colonie, stable et d’apparence démocratique. Il y a de fortes chances qu’un tel projet suscite des résistances, et que celles ci se construisent dans la durée. La phase des bombardements, de la conquête du pays, qui se termine avec la chute de Bagdad, paraît rétrospectivement la plus facile. Les militaires font ce qu’ils savent faire : bombarder, tuer des ennemis en armes, se déployer, et sacrifier de nombreux civils. Dans cette période, « après la victoire », le gouvernement américain semble disposer encore d’une certaine marge de manœuvre. Juste après, les ennuis commencent. Quand il s’agit de remettre en marche les installations pétrolières, ce qui paraissait le plus simple, et aussi l’objectif principal, les sabotages commencent. Quand il s’agit de passer au projet politique, de mettre en place un gouvernement ayant une caution irakienne, façade indispensable, la situation irakienne se découvre dans sa complexité. Et encore, là, il y avait un plan. Mais répondre aux premiers besoins de la population irakienne, eau, électricité, soins, transports : apparemment ce n’était pas prévu. Assurer un minimum la sécurité, face aux pillages, non plus. Sur le terrain, le mécontentement grandit, face aux réalités difficiles de la vie quotidienne, et face aux bavures qui se multiplient. Quand les troupes américaines doivent faire face aux premiers signes pacifiques de contestation, les militaires font ce qu’ils savent faire : ils tirent. Les premiers actes de résistance sont particulièrement spectaculaires, et supposent des ressources importantes. Hélicoptères abattus, tirs en plein Bagdad sur l’hôtel ou séjourne Paul Wolfovitz, attentats meurtriers contre le siège de l’ONU, de la Croix Rouge.